Judaïsme et Art Nouveau

A la croisée d’Aubrey Beardsley et d’Alphonse Mucha, l’art d’Ephraïm Moses Lilien s’impose comme le témoin de la dispersion de l’Art Nouveau à son apogée en Europe. De fait, après sa formation aux Beaux-Arts de Cracovie, cet artiste polonais a voyagé en Europe, notamment à Vienne, foyer de l’Art Nouveau, où il est repéré pour ses photograĥies par la célèbre revue Jugend dont découle le surnom “Jugenstil” attribué à ce même courant artistique. Il s’installe alors à Berlin en 1899 et prépare Juda, son premier recueil de poésie illustré avec son ami Börries von Münchhausen. Ce recueil le lance dans le milieu de l’illustration et le conforte dans ses ambitions d’illustrateur (lui qui est photographe de métier), ce qui le mène en 1903 à publier son propre recueil d’illustrations, Chansons du Ghetto, qui officialise son engagement politique et religieux pour le sionisme. De fait, devenu proche du fameux Theodor Herzl lors du 5ème congrès sioniste de 1901, il s’est raffermi dans ses convictions et prône la souverainté d’un peuple juif réuni au sein d’une même nation. Cela le conduit à critiquer les pogromes qui ont lieu en Russie, notamment celui de Kichinev de février 1903 en mémoire duquel il réalisa la superbe estampe A la mémoire des martyrs de Kichinev. Son parcours le mènera à accompagner en Palestine Boris Schatz, l’un des pères de l’art israélien, qui fonde à Jérusalem l’école des Beaux-Arts de Bezalel. Son art s’y épanouit à la croisée du Judaïsme biblique et de l’influence orientaliste de son milieu, donnant lieu à son style chimérique extrêmement minutieux qui hérite à la fois du symbolisme de Beardsley et de la grâce de Mucha. Lilien meurt en 1925 à l'âge de 51 ans et devient progressivement méconnu, laissant pourtant derrière lui le fruit onirique et captivant de sa fulgurante carrière d’illustrateur.