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Photo du rédacteurHerenui

Les Contes de Terremer

J’ai récemment pu me replonger pleinement dans la lecture, assise à l’ombre des tilleuls. Libérée des obligations littéraires que m’imposait la classe préparatoire, j’ai le plaisir de me replonger dans des univers si chers à mon cœur : ceux de la fantasy. Et l’intégral que je viens d’entamer et dont j’ai déjà dévoré deux tomes vaut tout particulièrement que l’on s’y attarde. A mi-chemin entre les récits de la Terre du Milieu et le conte philosophique, se trouvent Les Contes de Terremer, mélange des genres incongru et pourtant ô combien captivant. Je n’ai encore lu que Le Sorcier de Terremer et Les tombes d’Atuan qui relatent tous deux le cheminement d'Épervier, jeune mage talentueux en quête d’identité. Dans ce monde fabuleux sorti de l’imagination d’Ursula K. Le Guin (1929-2018), une place primordiale est faite au nom véritable des choses. La magie émane de la maîtrise du Vrai Langage qu’inventa Segoy dans des temps immémoriaux et dont les dragons sont les fourbes gardiens. Le pouvoir réside dans la connaissance, l’intuition et la capacité à nommer véritablement une chose, une personne pour en capturer l’essence, d’où le surnom que porte chaque personnage (Épervier/Ged). Dans le premier tome, le lecteur suit le jeune Épervier dans sa quête pour réparer le mal qu’il a infligé et s’est infligé. Cette quête semée d’embûches, de rencontres fascinantes et ballottée par les chants épiques d’anciens héros tragiques mène le jeune mage à se réconcilier avec lui-même au prix de maints sacrifices. La poésie des paysages et l’étrangeté de certaines coutumes à travers les îles (Terremer est un immense archipel) en font un univers onirique et pourtant frappant de réalité en raison des dures lois qui le régissent. Le deuxième tome, Les Tombeaux d’Atuan se focalise davantage sur la puissance des forces telluriques malveillantes qui hantent les sols d’un sanctuaire lointain. Les rites mystiques décrits dans cet ouvrage, la cruauté de ses personnages prisonniers de leur propre sort, l’immobilisme millénaire des traditions ancestrales en font une œuvre hypnotique qui me rappelle un peu les récits de Lovecraft. Mais à l’inverse de cet auteur, Ursula K. Le Guin fait triompher l'Équilibre et non la destruction. Les Ténèbres, aussi terrifiantes qu’elles puissent être, font partie de cet Équilibre indispensable et il n’est d’ailleurs jamais question de les détruire mais de s’y soustraire. L’absence de manichéisme dans cet ouvrage est quelque peu révolutionnaire à l’époque là où même Tolkien opposait les méchants et les gentils.

En outre, le premier tome, s’il reste assez conventionnel (d’après les propres mots de l’auteur dans la postface) est tout de même assez subversif pour donner le rôle principal à un jeune homme à la peau brune et dont le meilleur ami Vesce est noir. Le whitewashing de l’époque a imposé que les premières de couverture les représentent blancs de peaux quand bien même une majeure partie de la population de Terremer a la peau foncée. C’est dans le deuxième tome que Ursula K. Le Guin se permet de pousser plus loin l’audace en déplaçant la perspective du point de vue d’une femme intelligente, farouche et puissante : Arha/Tenar qui parvient à piéger Épervier en dépit de son jeune âge et de sa méconnaissance de la magie.

En résumé : ne vous fiez pas au film d’animation de Goro Miyazaki ! L’univers de Terremer est bien plus étendu et riche que ne peuvent l’exprimer deux heures de film.



GIF de Arren tiré de l'adaptation cinématographique de Goro Miyazaki


Illustration des Contes de Terremer par Charles Vess

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