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Photo du rédacteurHerenui

Yayoi Kusama : le paradoxe d’une avant-garde vintage

Début mars, la prestigieuse marque de mode Louis Vuitton a officiellement lancé une collection en collaboration avec la célèbre artiste nippone adepte du pointillisme, Yayoi Kusama. Pour cette occasion, la luxueuse succursale de LVMH s’est permis une vaste campagne publicitaire pour le moins surprenante. Deux effigies monumentales à l’image de Kusama sont apparues dans les rues de Paris, l’une placée en face du siège de la marque à la Samaritaine et l’autre juchée sur le toit de son magasin situé sur l’avenue des Champs-Elysées. Afin de tenir compagnie à cette dernière, un automate à taille humaine a également été placé dans la vitrine du magasin, provoquant des attroupements de curieux.

Ce phénomène de collaboration largement médiatisé ne relève pourtant pas de la nouveauté que ce soit pour la marque ou pour la plasticienne. En effet, cette collaboration n’en est pas à son premier coup d’essai puisque l’artiste nippone avait déjà prêté ses polka dots à Louis Vuitton en 2012. Déjà présente au sein de l’avant-garde américaine au même titre qu’Andy Warhol ou Basquiat, la plasticienne et performeuse rencontre réellement son succès dans les années 1960 sur la scène internationale avant de retourner vers son pays natal pour s’y faire interner délibérément. Désormais âgée de 97 ans, recluse dans son hôpital psychiatrique de Tokyo, l’artiste n’a pourtant pas fini de faire parler d’elle. Alors comment expliquer cet effet inépuisable du “filon Kusama” qui donne l’impression aux consommateurs d’acheter des objets d’avant-garde alors que la nouveauté des designs en question est maintenant dépassée depuis des décennies ?

La réponse réside en partie dans l’aspect événementiel du travail de l’artiste. Habituée des performances live et des happenings, l’idée même de placer de titanesques installations éphémères dotées de ses traits dans une ville aussi touristique que Paris procède précisément de sa marque de fabrique. De fait, elle pousse ainsi le paradoxe jusqu’à faire connaître son visage et donc à exister sur la scène artistique internationale alors même qu’elle n’est plus sortie de son asile depuis bientôt trente ans.

À cet effet de performance, qui relève quasiment du tour de passe-passe, s’ajoute bien sûr le renom de la marque Louis Vuitton avec laquelle elle a accepté de collaborer en suscitant la controverse au sein du milieu artistique. En effet, l’artiste est accusée de prêter son image à des fins mercantiles peu cohérentes avec la prétention artistique de ses œuvres. De même qu’au plasticien Jeff Koons, la sphère artistique internationale et surtout parisienne en l’occurrence, reproche à la créatrice de banaliser l’art pour en faire un objet de consommation de masse supplémentaire au sein de nos sociétés occidentales consuméristes.

À l’aune de ces constats, on peut donc vraiment considérer la fin de carrière de Kusama comme un paradoxe qui demeure entier entre le retrait complet de l’artiste de la vie active et son omniprésence à l’internationale.


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